Recueillir un oisillon : du nourrissage à son envol

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Une rencontre impromptue

Tout commence un 7 août au soir, lorsqu’en regagnant mon logis je trouve un oisillon échoué sur le trottoir de ma rue. Je cherche longuement d’où il peut venir, mais aucun nid n’est en vue et le bébé est assez mal en point. Je le ramène donc prudemment chez moi. Pesant à peine 33g, affaibli et probablement craintif il n’ouvre même pas ses yeux.

Démarre la phase logistique d’urgence : le tenir au chaud et le protéger de ma ménagerie : ma chatte, ma chienne et mes rattes qui vivent déjà avec moi. Hop ! Recyclage de la cage des callopsites, pour son nid un tupperware rectangulaire, de la litière de chanvre pour rongeurs et des feuilles d’essuie-tout pour literie et enfin une petite bouillotte pour la chaleur. Et une grosse peluche pour le confort !

Vous venez de trouver un animal sauvage ?
Voici quelques conseils forts utiles.

Journal de bord d’un sauvetage

Les premiers soins

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  • 8 août : après plusieurs recherches, j’identifie enfin son espèce. Mon pensionnaire est un martinet noir. Le régime de mon protégé pour débuter sa remise en forme : pâtée d’insectes (vers et fruits de mer), avant de lui établir un plan diététique adéquat. Préparée selon la recette ancestrale dite… « du pilon » : réduite en bouillie au pilon avec de l’eau. Monsieur est servi à l’aide d’une seringue achetée en pharmacie à 0,20 €.

La vraie difficulté ?

Le martinet vole en quasi permanence. Trouver un martinet au sol est un signe fort d’accident et malade ou blessé il sera alors incapable de quitter le sol seul. L’espèce fait quasiment tout en volant y compris dormir… En captivité il ne va donc pas instinctivement chercher à manger, car il ne mange qu’en volant. Il faut le tenir et lui ouvrir très délicatement la bouche en faisant glisser un ongle sur le bord externe de son bec. Puis ajouter un second doigt pour faire un doux levier. Le bec entrouvert, on peut alors très doucement utiliser la seringue pour introduire précautionneusement la bouillie dans sa gorge. La mixture bouillie ne sent pas très bon pour mes narines humaines mais ça vaut le coup. Cette procédure est à répéter toutes les 2 à 3 heures, même la nuit…

Le point crucial ?

C’est aussi une espèce protégée, il me faut indispensablement contacter l’association habilitée la plus proche. Par chance j’y ai un contact. Je reçois des conseils pour m’occuper de lui. Il vérifie avec moi les basiques : aucun nid n’est visible ou connu à proximité du lieu ou je l’ai découvert, il n’est donc pas possible de le rendre à la nature. Mes premiers gestes ont été les bons, l’animal peut rester à mes bons soins mais uniquement jusqu’à ce qu’il sache s’envoler. C’est une espèce très vite autonome. A corriger : la maisonnette ne doit pas être une cage, dans laquelle les barreaux pourrait le blesser. Et plutôt qu’une simple pâtée d’insectes, il m’est chaudement recommandé de fournir à mon protégé des grillons, LA nourriture idéale de son espèce. Une alimentation inadaptée serait le condamner (maladie, malformation, etc).

Mise en garde : Espèce protégée par la loi de 1976 (et encadré par le Code de l’environnement et l’arrêté ministériel du 29 octobre 2009) relative à la protection de la nature. Il est interdit de porter atteinte aux martinets ainsi qu’à leurs nids et leurs couvées, sous peine de poursuites et de sanctions judiciaires.

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  • 9 août : mauvaise surprise à la pesée, le piou a perdu du poids (31g) et ses selles ne sont pas assez consistantes. Je décide de changer dans la journée son alimentation. Le temps d’acheter les grillons, j’enrichis son repas d’insectes avec du steak haché cuit. Il adore ça ! Décongelé au micro-ondes, je le découpe ensuite en tous petits morceaux. Conséquence amusante, c’est maintenant ma minette qui me réveille toutes les 2 heures pour avoir elle aussi son morceau de steak 🙂 Ce n’est pas la meilleure solution mais il lui faut des protéines. Pour un temps très court, c’est acceptable. Trop longtemps administrée, ce régime pourrait l’empêcher de développer le plumage tip-top indispensable à défendre l’étonnant record de son espèce et surtout réellement l’handicaper.
  • 10 août : Monsieur, ou Madame (allez déterminer le sexe d’un oisillon !), se porte bien. Les becquées s’espacent. Cool, je peux dormir un peu plus ! La bouillotte n’est plus utile, il se débarrasse même du doudou de lui même.
  • 11 août : « Coco » se balade bien, s’ébroue quand il a fini de manger et ses selles sont impeccables. Je lui laisse de la liberté très régulièrement en le gardant sous surveillance, afin de veiller à sa sécurité. Ce n’est pas au goût de mes autres animaux, que je dois isoler le temps de ses sorties VIP.

Un invité doué

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  • 12 août : « Piou-Piou » grandit trop vite… et devient casanier. Il s’est bien calé sur ses horaires et c’est lui qui me rappelle à l’ordre quand j’ai un peu de retard pour le nourrir ! Il pousse désormais de petits sifflements lors de ses repas. Mignon, il me tète le doigt. Il est de toute façon assez tactile puisqu’il se laisse embrasser et caresser facilement. Il est souvent perché sur moi, et je le laisse se balader dans mon appartement, toujours sous surveillance rapprochée.
  • 15 août : Intrépide et curieux il parcourt l’appartement . Son poids tutoie les 40 grammes ! Pas bête, avec l’habitude il entrouvre de lui même le bec pour sa becquée. La cérémonie du repas s’en trouve facilitée.
  • 16 août : les bonnes nouvelles continuent ! Il bat de plus en plus régulièrement des ailes et je l’ai vu faire sa toilette. Je l’emmène dans une cour extérieure, protégé des rayons directs du soleil pour qu’il retrouve un peu plus de nature, d’air pur et qu’il profite du vent sur ses plumes.
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« Puis-je vous aider ? »
  • 19 août : Champion ! Atteignant dorénavant les 46g, mon Apus Apus mange enfin tout seul et fait ses nuits. A moi les grasses mat’ !
  • 22 août : depuis plusieurs jours, j’ai remarqué une baisse dans l’appétit de Piou-Piou. Il se « défend » maintenant quand je l’approche avec de la nourriture… J’avais été prévenu par l’association, il est en perte de poids volontaire et nécessaire pour favoriser son envol. Je lui ai fait prendre un petit bain (eau sans savon) pour enlever la poussière de ses plumes et je continue à l’exposer régulièrement au plein air. Ses instincts se confirment, il fait vraiment bien sa toilette et bat des ailes.
  • 25 août : je sens que son départ se rapproche… Au delà de ma tristesse personnelle, j’ai pris la responsabilité initiale de le secourir et l’aider à accomplir son destin. Pour contribuer à déclencher son réflexe de vol, j’opte pour une méthode toute personnelle. Son ventre sur le creux de mes paumes, je monte et baisse mes mains comme un ascenseur. Cela marche, il bat des ailes afin de s’équilibrer.
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« Mon meilleur profil »
  • 27 août : Il se trouve que cet après-midi Monsieur a décollé de mes mains pour faire un petit tour spontané de la cour intérieure! A la hauteur approximative de mes hanches, il en fait même plusieurs. Je suis égoïstement heureuse qu’il soit toujours revenu vers moi et me dit qu’il m’apprécie… Bon, l’opération n’est pas encore parfaitement au point, par 2 fois ses tentatives ont été arrêtées par un mur. L’arrêt ne fut pas violent, ses réflexes l’ont fait amortir avec ses pattes. La direction assistée reste à revoir mais le freinage d’urgence semble fonctionner 😉

L’envol

  • 31 août : c’est le jour J. Après 24 jours de bons soins et d’apprentissages partagés, son séjour dans ma pension improvisée touche à sa fin. Je me suis rendue sur un plateau local, conseillé par l’association car connu pour héberger de nombreux congénères martinets qui l’aideront. Entourée d’arbres, de nature, de soleil et d’oiseaux, j’ai rendu sa liberté à Piou-Piou. Un petit voyage en voiture d’environ 15 minutes puis, seuls, sans que personne ne nous dérange, la porte de sa boîte de transport lui a été ouverte. Après des adieux poignants, il s’envole. Le premier essai se conclut par un atterrissage forcé. Après l’avoir ramassé et encouragé, il a pris son second envol. C’est le bon ! Il a profité quelques secondes puis est allé se percher en haut d’un arbre. Je l’ai ensuite perdu de vue, au milieu d’autres congénères. 
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Que la Nature le garde et le protège… Merci à toi pour cette aventure qui m’a une nouvelle fois prouvé que je suis capable de prendre soin de n’importe quel animal, même lorsque je découvre une nouvelle espèce.

Mon récit est positif mais ne sous-estimez pas la charge de travail et surtout la responsabilité qui découle du fait de s’occuper d’une espèce protégée. Aucune place au hasard ne peut-être laissée. Si vous n’avez pas la chance de connaître quelqu’un dans ce milieu qui, après contact, accepte de vous confier l’animal et reste disponible pour vous conseiller, faites l’unique bon choix. Apportez l’animal à un centre officiel (comme les antennes de la LPO, la Ligue pour la Protection des Oiseaux), qui sera équipé et formé aux mieux pour soigner l’animal en détresse. A Lyon, vous pouvez également contacter l’excellente association « L’hirondelle« , centre de soin local pour animaux sauvages.